Suite à la conférence du 12 décembre à Paris, quelques tweets sont parvenus sur #confpyg. Pierre-Yves Gomez en a sélectionné trois et a tenté d’y répondre :

 

@Obert22Obert : « #confpyg mais qui crée les chambres que airbnb met à disposition ? »

PYG : Je crois comprendre derrière votre question l’interrogation suivante : Airbnb propose un service mais n’investit pas lui-même dans le capital nécessaire pour effectuer ce service : en clair, il permet la location de chambres dans lesquels il n’a pas investi. Ce sont les particuliers qui sont propriétaires des chambres louées à travers Airbnb. D’où la grande différence et la concurrence peut-être déloyale avec les hôtels.

De fait, Airbnb n’est qu’un intermédiaire technique entre des particuliers qui possèdent des chambres vides et d’autres qui cherchent à les louer. La transaction se fait entre eux et Airbnb ne touche qu’une commission d’intermédiation. C’est donc très différent de l’activité d’un hôtelier qui, s’il investit dans la création des chambres, récupère aussi le prix de location de la chambre. Du point de vue économique, on peut dire que le capital immobilier des particuliers  était sous-utilisé (des chambres vides étaient inutilisées) et qu’il l’est mieux aujourd’hui grâce au service de location direct et de court terme que permettent les plateformes d’intermédiation. Bien sûr, cela pose des problèmes à l’industrie hôtelière mais il faut noter 1) que celle-ci a déjà tendance ; depuis des années, à séparer les activités immobilières des activités purement hôtelières (l’hôtelier louant les chambres à une société immobilière possédant l’hôtel) 2) que l’activité de Airbnb n’a pas eu d’effet négatif sur l’industrie hôtelière jusqu’à présent. Elle génère une nouvelle clientèle sans influence massive sur la clientèle hôtelière.

Cela semble donc plutôt positif, mais il faut rester vigilants sur trois points : 1) la location d’un bien entre particuliers doit rester marginale en nombre de nuitées. Sans cela, la concurrence avec l’hôtellerie est notoirement déloyale car les taxes mais aussi les normes ne s’appliquent pas de la même façon. 2) Elle ne doit pas constituer un revenu locatif pour la même raison que précédemment. On voit ainsi des particuliers acheter des biens pour les mettre en « location Airbnb », ce qui est un détournement de l’esprit de ce service. 3) l’évaluation de la qualité de la prestation « Airbnb » se fait par un système de notation entre particuliers qui peut constituer à terme un contrôle social extrêmement sélectif (une mauvaise appréciation a des effets désastreux comme on le voit, par exemple, sur Amazon) et un panoptisme généralisé.

Au total, rien n’est univoque, et je suis le dernier à penser que les transformations actuelles seront favorables ou défavorables sans bénéfice d’inventaire.

 

@crobicrobec : « #confpyg Quel peut être l’impact (monétaire, économique, politique) d’un capitalisme ayant besoin de moins de capital ? »

PYG : Il y a deux façons d’envisager l’impact : l’une récessive, l’autre expansive.

On peut imaginer en effet, que l’économie collaborative permettra de mieux utiliser le capital existant. Plutôt que de multiplier les investissements, on pourra davantage les partager et donc optimiser leur usage. Les conséquences écologiques sont évidentes. On se dirigerait vers un monde moins « vorace », dans lequel la consommation serait moins individualiste car plus collaborative : lorsqu’on investira, on aura le réflexe de penser à une utilisation par d’autres (y compris payante), du bien investi. Moindre production donc mais aussi moindre nécessité de produire grâce à un meilleur usage des ressources, et donc moindre croissance (dans mon schéma, l’autoconsommation remplace la consommation et elle génère un revenu marginal)

Deuxième hypothèse, elle est opposée. Grâce aux économies réalisées sur les usages collaboratifs, l’économie de marché classique pourra dégager de nouvelles capacités d’investissement, justement sur des technologies qui échappent au collaboratif : robotisation en volume, infrastructures etc. On aura donc une ré-allocation des investissements, et donc au total davantage de capital.

Il est probable que l’avenir combinera ces deux tendances, l’équilibre résultant des ressources écologiques disponibles, de la vitesse relative  de développement de chacune des tendances et de la transformation des mentalités des citoyens notamment s’ils se recentrent ou non sur l’appropriation de leur travail.

 

@crobicrobec :  « #confpyg Les élections et événements de 2016 ont remis les frontières au centre du débat.Vs n’avez pas cité la nation.Quelle place pr elle? »

PYG : Les entreprises étant devenues largement transnationales, le cadre politique national semble à la fois dépassé et nécessaire. Dépassé parce qu’il est difficile d’agir sur des transformations économiques devenues globale, nécessaires parce que socialement  mais aussi économiquement, le citoyen est ancré quelque part et il a besoin qu’un acteur politique comme la nation défende ses intérêts et ses droits. Je crois que la clé du rébus est dans la question du travail. En effet, c’est elle qui fait la synthèse des questions économiques, sociales et politiques, comme je le montre dans mon livre. Aujourd’hui, une nation doit se poser en premier lieu comme un espace régulant le travail et qui à la fois, rende droit à son histoire, permette une vie sociale juste et encourage une activité économique efficace. C’est pourquoi le travail doit être au cœur de notre réflexion politique