Les taxis ont gagné une bataille mais ils ont déjà perdu la guerre. Face à Uber, ils se sont mobilisés et leur capacité de nuisance est grande, dans nos sociétés fluides, car bloquer les rues, c’est créer le chaos. Ils ont donc pu remporter une manche.

Leur colère est compréhensible. Ils opéraient jusqu’ici dans le cadre d’une profession réglementée. Le nombre de licences concédées par ville est fixe, ce qui garantit du travail à leurs détenteurs. La tranquille concurrence ne tourne ainsi jamais à la loi de la jungle. Contrepartie de cette paix économique, une spéculation sur le prix des licences s’est développée sous l’œil indifférent de l’Etat.

Mais l’entrée d’Uber sur le marché brise ce pacte social. L’entreprise californienne a les moyens de transformer tout propriétaire d’un véhicule en chauffeur de taxi potentiel. Grâce à son logiciel de gestion des données, UberPOP met en contact un client avec un conducteur. N’importe quelle voiture peut ainsi devenir taxi occasionnel, il suffit de s’inscrire auprès d’Uber et d’utiliser une simple application téléphonique.

Certes, la vente de ce service reste illégale car elle viole les règles de la corporation. D’où le conflit. Des dirigeants d’UberPOP ont même été placés en garde à vue. Et le service a dû être finalement suspendu en France…

Jusqu’à quand ?

UberPOP n’est qu’une illustration, parmi des dizaines d’autres, de la transformation radicale de l’organisation du travail qui est en cours.

Car UberPOP n’est qu’une illustration, parmi des dizaines d’autres, de la transformation radicale de l’organisation du travail qui est en cours. Depuis longtemps, la production d’un service pour un client se faisait par l’intermédiaire d’un professionnel régulé, en général une entreprise. Mais avec les réseaux numériques, n’importe qui peut devenir le fournisseur de n’importe qui : il suffit de connecter les compétences des uns aux besoins des autres. Toute plateforme (par exemple Uber) fabrique un marché. Cela concerne ici les taxis, mais ailleurs l’enseignement, les médias, la culture et demain les soins ou la sécurité.

Tout le monde peut vendre ses services à tout le monde. Même le ventre des femmes. Symboliquement, le même jour où UberPOP était suspendu, les enfants nés de GPA à l’étranger étaient reconnus par la Cour de cassation. Comment ne pas voir que cela prépare, là aussi, le libre service individuel étendu à la reproduction humaine ?

Jouant sur ces incohérences, l’éclatement des régulations du travail est inexorable. Il faut donc déjà s’organiser pour assurer la défense des victimes et des laissés-pour-compte que fabriquera aussi l’économie ubérisée.