L’évaluation de la performance globale des entreprises intègre de plus en plus des critères dits ESG qui apprécient la manière de gérer les effets de l’activité productive sur l’environnement (E), la vie sociale (S) et la gouvernance (G). Encore marginaux il y a une dizaine d’années, ces critères sont utilisés aujourd’hui par les gestionnaires de fonds ou les dirigeants pour repérer les risques à long terme de leurs investissements ou pour assurer à leurs parties prenantes qu’ils souscrivent aux normes de responsabilité communément admises.
La performance durable des entreprises : pour assurer le futur
Nous changeons ainsi inexorablement de paradigme en passant d’une définition de la performance économique synthétisée par son profit, qui était le propre de la financiarisation de l’économie, à une évaluation qui tient compte de la façon de réaliser ce profit et d’assurer lucidement la durabilité de l’entreprise.
Aux Etats-Unis comme en Europe ou en Chine, les régulateurs ont pris acte de cette mutation et ils se livrent à une intense négociation pour définir des normes dites « extra-financières » au niveau international. Ainsi, la Commission européenne a-t-elle publié en avril une proposition de directive (Corporate Sustainability Reporting Directive, CSRD) qui imposera aux entreprises de plus de 250 salariés de produire dès 2024 un rapport public sur l’intégration de la durabilité dans leurs stratégies utilisant des critères ESG uniformisés au niveau européen.
Ce changement d’époque produit comme toujours des résistances souvent dues au maintien des certitudes acquises durant la période qui s’achève. En ce sens, qualifier d’extra-financiers les nouveaux critères de performance peut nourrir l’incompréhension. En distinguant des critères non financiers et des critères financiers, on laisse entendre que ces derniers existent depuis toujours parce qu’ils ont une signification et une pertinence définitives et quasiment scientifiques, indépendamment des conditions historiques dans lesquelles ils ont été conçus. Or il n’en est rien.
Les critères pour calculer la performance financière ont toujours évolué
Les critères comptables et financiers actuels ont été construits au fil du temps, en réponse au contexte social du moment.
Par exemple, le financement de la retraite des salariés, qu’il prenne la forme de cotisations ou de versements à des fonds de pension, a été incorporé dans l’image « financière » des entreprises à partir des années d’après-guerre. L’évaluation de la performance s’est adaptée et le calcul du profit a dû tenir compte de cette exigence sociale. Ce qui paraissait impensable aux financiers du début du XXe siècle est devenu une évidence pour leurs successeurs contemporains.
La représentation de l’entreprise sous forme de flux financiers évolue donc constamment. Il est probable qu’elle intègre, dans les prochaines années, des externalités liées aux effets de l’activité économique sur l’environnement ou sur la société, comme elle a déjà intégré beaucoup d’autres externalités. C’est pourquoi opposer des critères de performance dits « extra-financiers » à des critères « purement financiers » qu’ils viendraient brouiller, c’est supposer un périmètre du financier qui n’avait de sens que dans la période que l’on quitte.
Il serait plus juste de parler de critères d’évaluation de la performance durable tenant compte du nouveau contexte environnemental et social des entreprises et qui détermineront le calcul de leurs profits. L’opposition entre normes financières et non financières apparaîtrait ainsi plus clairement pour ce qu’elle est : une construction sociale transitoire.
Version originale de l’article publié dans Le Monde du 30 novembre 2021
Bonjour cher ancien professeur
Ce sujet sur la valeur financière des efforts RSE m’intéresse fortement. Dirigeant une entreprise sous LBO je sens qu’à la fois les fonds et les banques ont pris conscience d’une sur valeur des entreprises qui ont intégré la RSE dans leur stratégie. Ou plutôt elles ont pris conscience d’une décote appliquée à celles qui ne font rien.
Pour autant lorsque l’on présente des ROI de projets RSE on atteint souvent 7,8,9 ans. Excellent à l’échelle de la vie d’un homme, mais plus compliqué à l’échelle d’un fonds ou d’une banque.
Quelle pourrait être la manière de calculer un ROI intégrant une valeur financière future attribuable à l’impact positif RSE. Une sorte d’actualisation des externalités positives futures. Bref si cela vous intéresse d’échanger sur le sujet, je suis de mon côté très curieux de vous écouter.