La situation économique est inédite du fait de l’origine et de l’ampleur de la dépression qui s’annonce. Mais partout les Etats interviennent pour éviter le cycle infernal de la récession : plus de faillites et de chômage entraînerait une diminution de la demande, donc un affaissement de l’offre et, en retour, des faillites et du chômage.
Pour bloquer la spirale dépressive, les Etats dépensent massivement : par exemple, en France, en proposant de prendre en charge les salaires de 13 millions d’actifs pendant plusieurs semaines ou les cotisations de milliers d’entreprises en difficulté, et aussi en garantissant des prêts (300 milliards d’euros) et, dans les prochains mois, comme un puissant investisseur en lançant de « grands travaux », de préférence pour accélérer la transition énergétique.
Or l’histoire économique des dernières décennies montre, au contraire, que les Etats ont dû intervenir comme pompiers au moins une fois par décennie (par exemple en 1987, en 1998, en 2002, en 2008, et désormais en 2020), avec des moyens de plus en plus énormes à mesure que les crises se faisaient globales et systémiques. Ne pas le reconnaître relèverait de l’aveuglement idéologique.
L’Etat est, certes, un corps politique orientant l’organisation de la société, notamment par ses investissements, mais c’est aussi, d’un point de vue économique, un corps de citoyens-contribuables qui consentent à abandonner une part de leurs revenus pour faire fonctionner le grand régulateur public.
Alors que certaines d’entre elles marquent aujourd’hui leur citoyenneté en claironnant leur « raison d’être », leur mission ou un engagement social étendu, il ne faudrait pas occulter une obligation plus basique et substantielle : elles sont redevables de l’effort de la nation quand il est déployé pour éviter l’effondrement économique.
C’est pourquoi, par exemple, quand le mécanisme du chômage partiel a temporairement couvert les salaires de leurs collaborateurs, il serait juste que les entreprises remboursent l’Etat si elles réalisent des profits dans les trois prochaines années ; de même, le contribuable est en droit de récupérer d’éventuelles primes de fin d’année prévues pour les salariés s’ils ont bénéficié du chômage partiel.
Tout z fait d’accord pour cette réciprocité entre l’État, les entreprises et les citoyens. Ce sera du gagnant gagnant et permettra de retablir confiance mutuelle et de servir le bien commun au lieu de piller et privatiser le Bien Commun.