La réforme des retraites a débouché sur une crise sociale qu’on a parfois interprétée, de manière un peu simpliste, comme une incapacité congénitale de la France à se réformer. Pourtant, on ne compte pas les réformes qui, depuis quarante ans, ont été engagées par les gouvernants successifs dans tous les domaines, éducation, travail, retraite, santé… La France semble plutôt être une championne des réformes à répétition.
Il est vrai que la façon dont celle-ci a été menée pourrait servir de cas d’école sur ce que les manageurs appellent la résistance au changement. Depuis les années 1980, les entreprises sont, elles aussi, des championnes de la réforme permanente de leurs structures, de leurs processus ou de leurs règles. L’implication des collaborateurs dans ces changements est indispensable. Que nous enseigne, à ce propos, la récente réforme des retraites ?
Essentiellement, que la prise en considération des différentes raisons de résister à un projet de changement détermine sa réussite. On en relève au moins quatre.
Changement et réalité vécue
Deuxième raison de résister, la mise en cause des avantages propres à des minorités actives. Les exemples n’en ont pas manqué sur les régimes de retraite. Mais même quand les promoteurs du changement sont exemplaires sur le sujet, ils ne peuvent pas s’étonner qu’il faille affronter ceux qui défendent leurs privilèges. Le plus étonnant, c’est quand les non-privilégiés ne les soutiennent pas.
Cela peut tenir au fait que ceux-ci ne voient pas en quoi le changement proposé améliore leur propre situation. C’est une troisième raison de résister : les initiateurs sont dans l’incapacité de préciser quels seront les effets positifs du changement proposé. On voit ce qui est détruit, pas ce qui est construit. Ainsi en a-t-il été quand les autorités n’ont pas été en mesure de chiffrer les économies attendues ou de proposer un simple simulateur permettant le calcul des retraites après réforme.
Finalement, la plus grande erreur consiste à croire que les raisons de résister au changement sont toujours infondées et qu’elles ne peuvent pas enrichir le projet de transformations. Arrogance souvent fatale aux réformes, et qui explique peut-être que, comme le notait déjà Vauban, en 1671, « les Français commencent tout mais n’achèvent rien ».
C’est très intéressant, mais dans ce genre de texte, on voit rarement l’argument assez simple de : « le changement proposé ne correspond pas aux souhaits des personnes concernées ». C’est pourtant le principe même de la démocratie.
Un grand nombre de personnes ont manifesté parce que, tout simplement, cette réforme entraînait une baisse sensible de leur future retraite. Un autre grand nombre parce que la projection de leur vie c’est qu’à partir de 62 ans elles pourront faire autre chose que travailler, et ce dans un contexte où le travail n’est pas l’alpha et l’oméga de la vie, surtout quand il se fait dans de mauvaises conditions. Qu’on partage ou pas leur vision, le fait de ne jamais tenir compte de la liberté et de la capacité des gens à réfléchir et à exprimer leur volonté dans les réflexions sur le changement (et c’est assez courant) me semble grave.